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dossier n°560

Performance,

  • dans le cadre de «.perf 2016 - Walk on the public site», programme de performances dans l’espace public.

Commissariat :

  • Madeleine Amsler and Marie-Eve Knoerle, Genève, Suisse
  • Une manifestation se déroulant par intermittence à différents endroits de la ville de Genève. En six temps : Plaine de Plainpalais / Place des Nations / Rue de la Cité / Place des Grottes / Rue du Mont blanc / Place de Neuve  6.10 10h - 12h / 14h - 16h; 7.10 10h - 12h / 15h30 - 17h; 8.10 10h - 12h / 15h - 17h

Non, rien ou comment affirmer la pensée du doute, texte d’Isaline Vuille

J’ai toujours voulu m’engager réellement, me battre contre des situations sociales injustes, des décisions politiques iniques. Ajuster mes actions avec mes opinions. Et parce que j’ai du mal à choisir une cause plutôt qu’une autre, qu’il y a toujours quelque chose à redire et qui me rend dubitative, mon engagement le plus concret consiste à aller voter quand on me le demande et à râler quand les résultats ne sont pas ceux que j’espérais. Les manifestants de Julie Sas se tiennent dans des lieux de la ville de Genève où les manifestants se réunissent souvent, soit pour leur emplacement stratégique – les environs de la gare –, soit pour leur portée symbolique – la place des Nations devant l’ONU. L’artiste, qui s’intéresse à l’anonymat et à l’invisibilité comme possibilités de radicalisation des pratiques – politiques, artistiques –, a envisagé ces performances comme des manifestations réelles et a demandé les autorisations aux services de la Ville concernés, sans mentionner le caractère artistique du projet. Elle a obtenu certaines autorisations, d’autres non. Suivant les règles de ce qui est devenu un protocole, Julie Sas n’a présenté la performance que dans les lieux où la manifestation avait été autorisée, à raison de deux interventions par jour aux horaires de 10h à 12h et 14h à 16h ; les apparitions se succèdent dans les différents lieux. Ses manifestant-e-s portent une pancarte sur laquelle est écrit ‘Non, rien’. Ils n’ont pas l’autorisation de parler, et doivent répondre aux sollicitations éventuelles par leur silence. Agissant seuls, ils sont comme une image altérée du manifestant ‘classique’, dont la physicalité est l’outil principal – afficher son visage (souvent), donner de la voix, faire groupe. Est-ce à dire que les manifestants de Julie Sas sont désactivés ? Pas vraiment. Avec une certaine modestie induite par la forme de l’action, ces corps portent et affirment une intention. Même si elle n’est pas menée à son terme, même si sa rétractation immédiate peut faire douter de sa pertinence, on ressent une idée de départ, une réflexion qui a poussé à brandir la pancarte. On se demande ce que la personne a voulu dire, ce qu’on aurait dit à sa place. Hésitation ? Doute ?

Non, rien. Mais bien plus que rien, cette affirmation d’une intention pose la possibilité, difficile, de la prise de parole. La confrontation à un public que ce refus d’en dire plus rend curieux, voire hostile. Elle interroge également la place de l’individu et la pertinence de la voix singulière au milieu du brouhaha des choix de masse incompréhensibles et des décisions globales économico-politiques qui ont lieu bien loin au-dessus de nos têtes. Non, rien. Parfois les choses sont trop dures à penser, à comprendre, à faire. Ne pas y parvenir tout à fait, mais essayer quand même.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Crédits photos: Emmanuelle Bayart
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